Malgré une courte histoire à la tête de l’industrie automobile, la marque Lorraine-Dietrich, aussi connue sous le nom de « La Société Lorraine des anciens établissements de Dietrich et Cie de Lunéville », est maintenant considérée comme un pilier de l’histoire automobile française. Durant le premier quart du 20ème siècle, Lorraine-Dietrich fut la marque à laquelle les autres constructeurs automobiles se comparaient. A l’aide, entre-autre, du jeune Ettore Bugatti, la société Lorraine-Dietrich est devenue pendant une dizaine d’années, entre 1905 et 1914, le nom automobile le plus célèbre à la fois sur les routes et sur circuit.
La naissance lente de Lorraine-Dietrich
En 1871, L’Alsace-Moselle fut annexée par l’Empire allemand suite au traité de Francfort. Avant cette date, Eugène de Dietrich dirigeait une entreprise ferroviaire installée dans ce département ainsi cédé aux allemands. Afin de continuer à livrer ses wagons aux compagnies ferroviaires françaises, Dietrich fut obligée de déménager son usine à Lunéville en Lorraine. C’est à partir de 1879, l’année de son déménagement officiel, que la société fut rattachée à la région, d’où le nom Lorraine-Dietrich.
Durant les vingt premières années qui suivirent le déménagement, la marque continua son activité dans la construction et la conception ferroviaire. Ce n’est qu’en 1896, lorsque le directeur de l’usine acheta les plans d’une voiture imaginée par Amédée Bollé, que la marque commença véritablement son histoire dans le monde de l’automobile.
Cette première voiture, portant le nom Dietrich, possédait un moteur bi-cylindres, initialement construit par Bollé et placé à l’avant du châssis. Cependant, après la construction de quelques modèles, Dietrich développa son propre moteur. C’est cette progression de la marque qui l’incita à produire une voiture conçue entièrement par lui même.
Les voitures 100% De Dietrich
En 1898, la De Dietrich Torpilleur fut dévoilée, une voiture de course capable de rivaliser avec les plus grandes marques. Ce nouveau véhicule de compétition était à la pointe de l’innovation technique avec un grand moteur quatre cylindres, des suspensions indépendantes et une construction allégée. Lors de sa première apparition en compétition dans le Paris-Amsterdam, la Torpilleur a fini la course en troisième position malgré un accident en milieu de course. Entre 1899 et 1901, les seules voitures capables de suivre les Dietrich furent les créations d’un certain Ettore Bugatti. C’est ainsi que le jeune ingénieur franco-italien rejoignit Dietrich en 1902.
En utilisant ses connaissances acquises, Bugatti créa une série de modèles performants pour Dietrich. Ces créations ont toutes remplacé les modèles préexistants de la marque en y introduisant de nouvelles technologies. La première Dietrich conçue par Bugatti, la Type 2, fut créée en 1902 et fit bénéficier la marque d’un moteur de 24 chevaux à soupapes en tête. De plus, la Type 2 avait une transmission révolutionnaire pour l’époque de 4 rapports.
Ettore Bugatti continua d’apporter sa vision personnelle aux modèles Lorraine-Dietrich jusqu’en 1904, moment où il a quitté la marque pour rejoindre Emile Mathis en Alsace. Malgré la perte de l’expertise de Bugatti, Lorraine-Dietrich était devenue une marque synonyme de style, de luxe et de performance. Cependant, ce n’était pas suffisant et elle chercha à rivaliser avec des noms tels que Crossley et Itala en produisant une série de limousines de luxe à six roues. Avec une longue période de développement, un prix exorbitant pour l’époque et une apparence peu attirante, le projet est considéré comme un échec et est vu aujourd’hui comme le début de la chute de Lorraine-Dietrich.
Dans un but d’expansion, une deuxième usine fut construite à Argenteuil en région parisienne en 1907. En principe, cette usine était destinée à produire des véhicules de tourisme pouvant être vendus à plus grande échelle. La création du nouveau lieu de fabrication libéra de la capacité à Lunéville qui put se focaliser sur les modèles de course et le développement de nouvelles autos de luxe.
1908 marqua la mise en vente d’un quatuor de nouveaux moteurs 4-cylindres à arbres à cames en tête. Ces moteurs ont permis la création d’une nouvelle ligne de voitures de tourisme de luxe. Le plus puissant de ces véhicules se vendait à l’époque pour environ 7000 francs et produisait 80 chevaux. Bien que ce prix soit faible comparé à aujourd’hui, cette Lorraine-Dietrich 60/80, ainsi que ses petites sœurs la 18/28, la 28/38 et la 40/45, se situait dans une zone vide du marché. Ces modèles n’étaient pas de haute qualité ni luxueux, mais ce n’était pas des modèles à bas prix non plus. La vente de ces voiture fut donc lente et difficile.
Lorraine-Dietrich et la Première Guerre mondiale, la fin d’une ère
Comme la plupart des usines à travers le monde, lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, celles de Lorraine-Dietrich ont été utilisées pour la construction de matériel militaire. La majorité des produits sortants de l’usine de Lunéville étaient des wagons, des camions et des armes à feu.
Au sein de la nouvelle usine d’Argenteuil, Lorraine-Dietrich produisait aussi des moteurs d’avion. En effet, bon nombre des avions nommés « l’Oiseaux Blanc » utilisaient le Lorraine 12 Eb, un moteur 12 cylindres montés en V produisant plus de 450 chevaux.
C’est l’utilisation en masse de ce moteur qui a incité le gouvernement français à créer la SGA (Société Aéronautique Générale) autour de Lorraine-Dietrich en 1929. La marque fut alors contrainte de focaliser son attention sur le domaine aéronautique. Bien qu’elle ait continué à produire de nouvelles voitures, la production fut considérablement réduite.
En effet, suite à la création de la société, une seule participation sous le nom de Lorraine Dietrich eut lieu aux 24 heures du Mans. En 1931 la victoire en Classe C fut remportée par Henri Trébort et Louis Balart.
La faillite de Lorraine Dietrich
En raison de plusieurs difficultés, dont notamment la crainte d’un scandale au sein du gouvernement français, la société des marques aéronautiques fit faillite en 1934. Etant séparée du reste de la société, la partie automobile put continuer à travailler sur ses modèles pendant encore un an mais en 1935 fut construite la dernière Lorraine Dietrich.