Durant ses 13 décennies d’existence, l’automobile a connu une très longue histoire pleine de hauts et de bas. Au cours de cette histoire, on a vu apparaître et disparaitre une infinité de noms qui ont été, à une époque, des géants de la construction automobile. Delage, par exemple, est une société qui a toujours rencontré le succès dans ses activités mais qui, pour différentes raisons, n’existe plus depuis les années 1950.
La naissance de Delage
Né en 1874, Louis Delage était un homme talentueux dans le domaine de l’ingénierie, cela depuis son très jeune âge en tant qu’étudiant dans cette école d’ingénieurs française qu’est l’ENSAM (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers). Après ses obligations militaires effectuées en Algérie, il trouva rapidement du travail en tant qu’ingénieur dans de nombreuses sociétés automobiles avant d’arriver finalement chez Renault en 1903.
Après seulement deux ans passés au sein de la grande marque automobile française, Delage a décidé de quitter son emploi stable pour ouvrir sa propre entreprise. En contractant un prêt de 35 000 francs, il put ouvrir Delage Automobiles en 1905. La marque fut installée à Levallois-Perret, une ville près de Paris, où elle débuta ses activités en construisant des carrosseries pour les modèles Helbé.
La première voiture Delage
Pendant sa première année d’activité, Delage rassembla les fonds financiers nécessaires pour préparer la sortie de sa première voiture. Ce modèle, nommé la Delage Type A, était une petite voiturette sortie en 1906. Sous la carrosserie, et installé sur le châssis conçu entièrement par Delage, se trouvait un moteur mono-cylindre, issu de De Dion-Bouton, développant environ 9 chevaux, un chiffre impressionnant pour l’époque.
Durant les trois années de sa production, dix exemplaires seulement de la Type A ont été construits et vendus. Malgré ce qui pourrait être considéré comme des chiffres de vente décevants, la voiturette a permis de donner une bonne base à la marque pour développer ses modèles suivants.
En effet, une évolution de la Type A fut construite pour permettre à la marque de participer à la “Coupe des Voiturettes”, une course automobile ayant eu lieu à Rambouillet en Novembre 1906. Le travail effectué grâce aux connaissances acquises lors de la première version de la Type A a permis de concevoir un modèle parfaitement compétitif. Avec cette première voiture de course, Delage a débuté une carrière sportive en arrivant deuxième à la fin de l’évènement.
L’expansion de Delage
Avec le désir d’obtenir plus de succès sportifs, Louis Delage décida, en 1907, d’acheter une plus grande usine de 4000m². Avec davantage de place, la marque pu diversifier sa gamme, offrant des voitures aux moteurs bi-cylindres, celles-là même qui se sont montrées imbattables dans la Coupe des Voiturettes de 1907 et au Grand Prix des Voiturettes de 1908.
Encore une fois, une vague de succès sportifs influença la gamme à vocation routière. Tous les modèles Delage, à partir de 1909, ont été vendus avec des moteurs quatre cylindres qui, pour la première fois dans l’histoire de la marque, n’étaient pas achetés auprès d’un autre constructeur mais fabriqués en interne.
En 1912, la marque était devenue un véritable acteur de la construction automobile française et même d’ Europe. Plus de 1000 véhicules par an étaient assemblés par un effectif de 350 employés. Ces modèles se vendaient au choix avec un moteur quatre ou six cylindres et une longue liste de différents types de carrosseries.
Delage en compétition internationale
Etant désormais, en 1911, une grande marque européenne, Delage eu pour ambition de se montrer puissante devant un public international. Cette aventure dans le sport automobile international commença avec une première et seconde place lors de la Coupe de l’Auto de Boulogne, un évènement que de nombreux constructeurs italiens, anglais et allemands voulaient gagner.
Avec une nouvelle voiture de course conçue par Léon Michelat, Delage participa à son premier Grand Prix en 1912. La voiture en question était totalement différente de tous les autres modèles construits par la marque jusqu’alors avec plus de 115 chevaux fournis par un moteur quatre cylindres de 6,2 litres. Sa première course, le Grand Prix de France, donna à Delage une première, seconde et cinquième place.
L’année d’après, cette voiture sans nom devint la Type Y que Delage utilisa pour dominer le sport automobile de l’époque. Après avoir battu le record du meilleur temps sur le circuit du Mans lors du Grand Prix de France, la Type Y partit à la conquête des Etats-Unis où elle remporta une victoire aux 500 Miles d’Indianapolis en 1914.
Delage durant la Première Guerre mondiale
En 1914, l’Europe entra dans un conflit pendant lequel une grande partie de la France devint un champs de bataille. La construction de voitures fut alors totalement abandonnée par Delage qui contribua au maximum à l’effort de guerre. Pour cela, l’usine fut transformée afin de produire des munitions et de grands camions pour le transport des soldats.
Une nouvelle personnalité post-guerre pour Delage
Une fois le conflit de la Première Guerre mondiale terminé, les marques comme Delage ont pu retrouver leurs activités d’avant-guerre. Cependant, le constructeur français a mis à profit ce moment pour totalement changer la philosophie de sa production. Alors qu’avant la guerre c’était une marque connue pour ses voiturettes et ses voitures de course petites et légères, les modèles d’après-guerre sont devenus beaucoup plus grands avec un accent mis sur le luxe.
La commercialisation en 1919 de la Delage CO et la DO a annoncé le début de ce qui allait être l’âge d’or de la marque. En séparant les modèles avec des moteurs six cylindres et quatre cylindres, la création de ces deux voitures a permit à Delage de convaincre ses clients de choisir le modèle le plus coûteux, la “CO”. En effet, la nature humaine fait que nous voulons toujours les meilleures choses et aussi montrer aux autres que l’on peut s’offrir ce qu’il y a de mieux.
Le format de la gamme Delage se perpétua durant toutes les années 1920, une période pendant laquelle la marque est devenue la rivale de constructeurs mythiques tels que Hispano-Suiza, Mercedes et Bugatti.
Delage a attendu quelques années après la fin de la guerre pour redémarrer son programme sportif. En effet, il fallut attendre 1924 avant de voir un modèle de la marque française courir à un niveau international. Cependant, cette première apparition reprit la tradition des succès là où elle s’était arrêtée avant la guerre. Une voiture de course construite spécialement pour les Grands Prix, alimentée par un énorme V12, gagna le Grand Prix d’Europe. Les succès sportifs continuèrent avec de belles victoires jusqu’à la fin de la décennie.
Delage dans les années 1930
L’arrivée des années 1930 inaugura le début d’une longue époque avec peu de nouveautés dans la gamme Delage. En effet, les D6 et D8, sorties toutes les deux en 1930, ont maintenu leurs places dans la gamme jusqu’à la mort de la marque en 1953. C’est pourquoi, lorsque nous pensons à Delage, ce sont souvent ces deux modèles qui nous restent en tête.
La nomenclature de ces deux voitures est très simple à comprendre. La D6 est un modèle au moteur six-cylindres alors que la D8 était alimentée par un moteur huit-cylindres. Plusieurs versions étaient disponibles avec différents empattements allant de 3,3 mètres avec la D6s jusqu’à 3,6 mètres avec la D6l. Différentes carrosseries étaient aussi disponibles pour la D6, bien qu’à l’époque il était plus courant d’acheter un châssis avec son moteur auprès du constructeur et de contacter un carrossier pour fabriquer le carénage.
Delage sous la direction de Delahaye
Malgré la création de belles voitures et la passion du public pour la marque, Delage a toujours dû faire face à de gros problèmes financiers. En Avril 1935, l’usine secondaire de la marque, située à Courbevoie, fut liquidée. Afin de temporairement sauver son entreprise, Louis Delage trouva une nouvelle source d’investissement avec le concours de Walter Watney, un homme d’affaires qui est alors devenu président de la marque.
Lorsque les allemands ont commencé l’invasion de la France en 1940, Watney a dû quitter Paris à cause de sa nationalité britannique. Delahaye, une autre marque automobile française, vit alors la possibilité d’éliminer son concurrent en prenant le contrôle de Delage en Décembre 1940.
Une fois la paix revenue, après la Seconde Guerre mondiale, très peu de modifications furent apporter aux modèles Delage. Sous le contrôle de Delahaye, la gamme resta inchangée afin de continuer à vendre des voitures sans engendrer de coûts de développement pour de nouveaux modèles. L’entreprise continua à travailler ainsi jusqu’en 1953, moment où la marque fit faillite.
Une possible renaissance de Delage ?
Bien que le monde automobile n’ait pas vu réapparaitre le nom Delage depuis presque 70 ans, il se trouve que la marque n’a pas été oubliée. En Décembre 2019, l’association “Les Amis de Delage” a annoncé la renaissance de la marque. Le projet en vue est la création d’une voiture aux chiffres plus qu’impressionnants. Il est dit que le modèle, nommé la D12, comptera plus de 1200 chevaux dispensés par un moteur V12 et un système électrique.
Il est alors faux de parler de Delage comme d’une marque éteinte faisant partie de la préhistoire automobile. Une comparaison plus juste avec le vivant serait de dire que c’est une espèce considérée comme disparue mais que des scientifiques auraient recréé avec des individus vivants. Delage serait alors un mammouth né à partir d’ADN de ses ancêtres et de celui d’éléphants d’Asie.