Comparée à toute autre création automobile américaine, quelque soit l’époque, la Chevrolet Corvair est une voiture qui sort du lot. Avec un moteur discret doté d’une paire de cylindres placés à l’arrière, et une volonté de design compact, c’est un véritable modèle original.
La Chevrolet Corvair née durant une ère de créativité
Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis se sont retrouvés dans une période faste du point de vue économique. La prospérité post-guerre combinée à la prise de conscience par le peuple des atouts que représente la liberté de son pays, tout cela a créé des conditions favorables aux achats.
Afin de profiter de ce désir du peuple américain de dépenser toujours plus pour acquérir un nouvel objet, les marques ont accéléré la fréquence de sortie de leurs nouveaux modèles. Alors qu’avant la guerre, une voiture pouvait ne pas subir de modification pendant une quinzaine d’années, tous les ans, ensuite, sont sortis plusieurs nouveautés au sein des gammes de chaque marque.
Les équipes de recherches en développement ont alors dû trouver de nouvelles technologies à intégrer dans leurs véhicules afin de les amener à se distinguer des autres. C’est ainsi qu’est née la Chevrolet Corvair.
Dans le but de construire une voiture plus compacte que la norme américaine, un secteur du marché devenu de plus en plus négligé, Chevrolet a commencé à s’inspirer des voitures européennes de l’époque. Une philosophie de conception, en particulier, intéressa l’équipe à l’initiative du projet, celle de la VW Type 1. Le format primitivement imaginé par Ferdinand Porsche, avant la guerre, plaçait un moteur refroidi à air à l’arrière du châssis, donnant ainsi plus de place sous le tableau de bord pour les pieds des occupants du véhicule. Ce fut une disposition également utilisée par d’autres marques allemandes, comme Mercedes par exemple, durant les années 1930.
La conception peu ordinaire de la Chevrolet Corvair
Lors de la conception de la Chevrolet Corvair, de nombreuses habitudes et pratiques de l’industrie automobile américaine furent mises de côté. Alors que la plupart des véhicules de l’époque étaient dotés d’un gros V8 sous le capot, la Corvair n’avait qu’un six cylindres. Celui-ci n’était même pas sous le capot, mais placé derrière l’habitacle. La plupart des voitures américaines de l’époque étaient constituées d’une carrosserie montée sur un châssis, pas la Corvair. Elle était conçue avec un châssis monocoque, c’est à dire que la carrosserie était intégrée au châssis améliorant ainsi la rigidité du modèle.
Ce ne sont pas seulement les techniques de construction qui ont, dès lors, changé l’industrie américaine à jamais mais les matériaux utilisés ont aussi surpris beaucoup de monde. Afin de réduire le poids du moteur, il fut construit principalement en aluminium alors que, jusqu’à présent, l’acier était principalement utilisé.
Toutes ces innovations sont issues des recherches d’ Ed Cole, l’ingénieur en chef de Chevrolet durant les années 1950. Il fut l’homme au cœur d’autres projets mémorables de Chevrolet dont notamment le moteur small-block, un moteur célébré dans la culture automobile américaine pour sa durabilité et sa performance.
Après un travail de conception intensif, la Corvair arriva enfin sur le marché en milieu d’année 1959 pour l’année modèle 1960.
La première génération de la Corvair
Au cours de sa vie, la Chevrolet Corvair connu deux générations. Le premier exemplaire fut mis en vente en septembre 1959 avec un total de trois variantes. Les Corvair 569 et 769 furent des versions dites de bas de gamme. Comparées à la série 500, elles étaient moins puissantes et offraient moins de luxe à l’intérieur. Cependant, elles coûtaient bien évidemment moins cher que la version phare. Toutes ces versions de la Corvair étaient présentées sous la forme quatre portes. En effet, il fallut attendre janvier 1960, soit cinq mois après la sortie initiale du modèle, pour qu’il existe en version coupé deux portes.
Comme nous le voyons tout au long de l’histoire automobile américaine, les marques aiment donner des noms aux différentes versions de leurs modèles. Dans le cas de la Corvair, il y eut tout d’abord la “Monza”, un nom dédié aux versions deux portes, que ce soient des décapotables ou des modèles avec toit fixe. Pour les clients recherchant un niveau de luxe supérieur à celui de leurs voisins, la Deluxe, avec des sièges baquets plus confortables, fut mise en vente au début de1960.
Plus tard, en 1961, Chevrolet étoffa son catalogue avec l’introduction de la “Lakewood”. C’est une variante de la Corvair avec une carrosserie en forme de break. Avec le moteur placé sous le coffre, cette voiture était extrêmement pratique car donnant non seulement de la place de stockage dans l’énorme coffre traditionnel mais aussi sous le capot. De plus, la possibilité d’installer tous les choix de moteurs possibles dans les Corvair plus sportives montre que cette Corvair Lakewood peut être considérée comme une des premières voitures familiales de sport, une catégorie dominée aujourd’hui par BMW, Audi et Mercedes.
En 1962, Chevrolet accentua l’image sportive de sa création. Ainsi, les moteurs bas de gamme ne furent plus disponibles et une version turbo du six-cylindres à plat développant 150 chevaux fut ajoutée. Le moteur, appelé Spyder, entretint, pour la Corvair, la réputation d’être une « Porsche pour les pauvres ».
Bien qu’en 1960 la Corvair fut récompensée du titre de voiture de l’année par Motor Trend, ce n’était pas pour autant une voiture sans problèmes. A cause de difficultés au niveau du carburateur, la Corvair consommait beaucoup plus que les autres voitures de sa catégorie. De plus, à cause de la fabrication complexe du moteur, on rencontrait souvent des problèmes de fiabilité. Enfin, l’introduction de la suspension indépendante sur les quatre roues occasionna des défauts de maniabilité qui ne furent pas résolus avant la seconde génération de la Corvair.
La seconde génération de la Chevrolet Corvair
Pour la seconde génération de la Corvair, lorsque elle fut présentée, Chevrolet avait pu remédier à toutes les petites imperfections qui n’avaient pas été corrigées entre 1959 et 1964.
Pour permettre au véhicule compact de s’intégrer dans la nouvelle ère des années 1960, celui-ci fut totalement re-stylé. Tout en gardant la forme générale de la Corvair, déjà bien connue, Chevrolet simplifia le design en supprimant la majorité des détails qui ornaient la voiture depuis presque 6 ans. Le résultat fut une voiture au design plus sportif avec de belles courbes continues se prolongeant sur toute la longueur de la voiture.
Outre la forme de la voiture, la seconde génération de la Chevrolet Corvair a vu sa gamme de moteurs disponibles simplifiée. Alors que la première génération de la Corvair existe dans un grand choix de moteurs six-cylindres à plat refroidi à air, la seconde génération ne comporte qu’un 2,7 litres au même format. Il s’agissait de l’échelon le plus élevé, durant les 5 premières années de la voiture, mais elle est devenue la seule option possible à partir de 1964. Bien évidemment, afin de poursuivre sa progression technologique, le moteur continua de recevoir des modifications tout au long de sa vie, atteignant les 180 chevaux à la fin de la période de la Corvair.
La mort lente de la Corvair
Peu de temps après la mise en vente de cette seconde génération de la Chevrolet Corvair, Ford dévoila sa fameuse Mustang. Avec une carrosserie à peine plus grande que la compacte de Chevrolet et un moteur plus puissant, la première Pony-car, issue d’une des trois grandes marques, eut un impact négatif sur les chiffres de vente de la Corvair. En effet dès 1965, la Corvair perdit rapidement en popularité parmi le public américain.
Lorsque les dirigeants de Chevrolet se sont aperçus que l’américain préférait en général une voiture simple dotée d’un gros moteur puissant, ils ont décidé de mettre fin au développement de la Corvair à partir de 1966. L’argent économisé sur la Corvair devait être directement transféré dans un nouveau projet nommé “Panther”. Aujourd’hui, nous savons que ce fut le nom initialement donné au projet de développement de la “Camaro”, une rivale directe de la Mustang.
Bien qu’il existait un projet de développement d’une troisième génération de la Corvair en 1968, qui devait utiliser le châssis de la seconde génération recouvert d’une carrosserie reprenant le design de la Pontiac “Trans Am”, le nom Corvair a disparu du monde de l’industrie automobile en 1969.
Bien que la Corvair fut célébrée par les journalistes automobiles de l’époque pour son format ingénieux et sa performance impressionnante, elle est souvent oubliée à cause de sa disparition soudaine. En tout, presque 2 millions d’exemplaires de la Corvair furent vendus. Pourtant, entre 1966 et 1967, le chiffre de vente chuta de plus des trois quarts. Il est clair alors que ce fut la conjugaison entre la seconde génération moins diversifiée et la naissance de la Pony Car qui a fait disparaitre cette voiture très peu connue.